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Cours de Bactériologie Médicale

BORDETELLA

1 - Introduction

Le genre Bordetella s'est enrichi au cours des dernières années de nouvelles espèces. Cependant, prédomine B. pertussis, agent de la coqueluche et pathogène uniquement chez l'homme; B. parapertussis, beaucoup plus rare, aussi agent de coqueluche indistinguable cliniquement de la coqueluche mais durant moins longtemps.
L'espèce B. bronchiseptica est responsable d'infection respiratoire dans un grand nombre de mammifères tel le porc (rhinite atrophique, bronchopneumonie) ou le chien (toux des chenils) ou le chat ou l'homme surtout immunodéprimé. B. avium (coryza du dindon) et B. hinzii sont responsables d'infections respiratoires chez les oiseaux. B. holmesii responsable de bactériémie chez l’homme. B. petrii est la seule espèce de l'environnement.

Alignement de séquences codantes pour l'ARN 16S



2 - Historique

C'est en 1570, par Guillaume de Baillou que fut décrite pour la première fois la coqueluche lors d'un épidémie à Paris. Au XVIIème siècle, Willis et Sydenham décrivent le syndrome coquelucheux sous le nom de pertussis (éthymologiquement: toux sévère). C'est Jules Bordet, inventeur de la réaction de Bordet-Wasserman (BW) pour détecter la syphilis qui a mis au point, avec Octave Gengou, l'isolement du bacille de la coqueluche en 1906 sur un milieu à base d'extrait de pommes de terre (milieu de Bordet et Gengou). Fut Prix Nobel de Médecine et de Physiologie en 1919.

http://www.pasteur.fr/recherche/unites/Bordetella/Histoire.html


3 - Habitat - pouvoir pathogène

Chez l'homme, B. pertussis et B. parapertussis sont des espèces parasites strictes des muqueuses respiratoires. D'autres espèces ont pour hôtes préférentiels, des espèces animales comme le porc ou la poule: B. bronchiseptica, B. avium et B. hinzii.

Elle reste d'actualité:

http://www.invs.sante.fr/recherche/index2.asp?txtQuery=coqueluche

- La coqueluche est une maladie respiratoire de l'enfance très contagieuse. Le terme de coqueluche tire son appellation du caractère bruyant de la reprise inspiratoire qui ressemble au chant du coq. Sa gravité tient aux complications broncho-pulmonaires et à sa mortalité possible chez le nourrisson. Dans les pays bien vaccinés comme la France, la mortalité et la morbidité ont diminué de 95%. Cependant, en absence de rappel naturel et de rappel vaccinal on observe depuis quelques années un changement de transmission de la maladie. Celle-ci n'est plus d'enfant à enfant mais d'adultes et adolescents à nourrissons non vaccinés. Cette maladie est une maladie très grave et pouvant être mortelle chez le nouveau-né de moins de 3 mois. Elle peut toucher l'homme quelque soit son âge. Dans les populations vaccinées, son immunité est évaluée à une dizaine d'années sans rappel vaccinal ou naturel et pour cette raison on peut avoir la coqueluche plusieurs fois dans sa vie. En raison de ce problème, le calendrier vaccinal a été modifié en 1998 avec l'addition d'un rappel à 11-13 ans suite à la primo-vaccination à 2-3-4 mois et le rappel à 16-18 mois. Sa surveillance est assurée en France depuis 1996 par le réseau pédiatrique hospitalier, RENACOQ.

Classiquement, quatres phases sont décrites: incubation silencieuse (2-3 semaines), catarrhale (quelques jours), phase d'état (30 à 40 jours) et enfin convalescence (plusieurs mois).

La maladie classique se définit surtout par une toux évoluant depuis plus d’une semaine, voire 2 ou 3 avec quintes, caractérisée par reprise inspiratoire difficile (chant du coq), apnées, accès de cyanose ou vomissements après les quintes (cf cliché OMS)
Une hyperlymphocytose est souvent associée.
En France, la toux de plus de 21 jours a été notée dans près de 90 % des cas avec une reprise inspiratoire difficile (73 %), vomissements après les quintes (63 %), épisodes de cyanose (48 %), hyperlymphocytose >104/mm3 (45 %), chant du coq (33 %) et apnées (21 %), chez les individus non vaccinés. Cependant, il est à noter des formes atypiques, chez les adolescents et adultes qui ont été vaccinés dans l'enfance.

Autres images : http://aci.mta.ca/Courses/Biology/Images/bacterial%20folder/Pertussis.html
http://www.invs.sante.fr/beh/2003/44/index.htm

Voulez-vous entendre le chant du coq ? : http://www.whoopingcough.net/symptoms.htm

4 - Epidémiologie

Les principales caractéristiques épidémiologiques ont été actualisées en France grâce à RENACOQ:
http://www.invs.sante.fr/beh/1998/9850/
http://www.invs.sante.fr/beh/2003/0044/

L'épidémiologie en 2003 est semblable au 10 années précédentes avec une transmission d'adultes à nouveau-nés et avec des cycles de la maladie de 3 à 5 ans.

 
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Nombre
339
588
270
335
415
190
80
Age<3m.
32%
33%
41%
33%
43%
41%
35%
Age<1a.
62%
66%
79%
63%
74%
72%
81%
 
Hosp.estimée
-
1571
763
764
1145
538
250
 
Décès
2
5
1
3
9
3
0
 
Contaminateurs
177
264
118
152
179
96
39
Parents
36%
42%
48%
45%
46%
50%
44%
Fratrie
34%
36%
26%
31%
35%
20%
26%
Cas contacts
30%
21%
26%
24%
18%
25%
26%

5 - Pathogénie

Celle-ci est complexe, compte tenu des adhésines et toxines produites:

Adhésines
Toxines
Hémagglutinine filamenteuse (FTA) Toxine cytotrachéale (TCT)
Toxine de pertussis (PT) Toxine de pertussis (PT)
Pactatine (PRN) Adény cyclase-hémolysine (AC-Hly)
Fimbriae (FIM) Toxine dermo-nécrotique (DNT)
Facteur de colonisation trachée (TCF)
Facteur de résistance sérum (BRK)

Le bacille de Bordet-Gengou induit une infection unique par ses manifestations et la durée de ses symptômes. La bactérie va interagir (colonisation) avec les cellules trachéales ciliées par des protéines de type adhésines. Cette première période d'invasion ou proliférative va aboutir à la production de diverses toxines exprimant leurs effets biologiques entrainant l'élimination des cellules ciliées, l'accumulation de mucus par paralysie du système d'épuration ciliaire et une réaction inflammatoire. La lymphocytose est un effet systémique.
http://www.bact.wisc.edu

Le génome des espèces pertussis, parapertussis et bronchiseptica a été séquencé. B. pertussis est l'espèce la plus adaptée à l'homme. Elle serait issue de l'espèce B. bronchiseptica, espèce animale, et se serait adaptée à l'homme après perte de matériel chromosomique (Parkhil et al. 2003. Comparative analysis of the genome sequences of Bordetella pertussis, Bordetella parapertussis and Bordetella bronchiseptica. Nat Genet. 35(1) pp32-40).

6 - Diagnostic

* Diagnostic clinique: La coqueluche est le plus souvent diagnostiquée en présence des signes suivants: toux nocturne de plus de 14 jours avec quintes et reprise inspiratoire difficile sans fièvre, chant du coq, apnées, accès de cyanose, vomissements après les quintes ou encore hyperlymphocytose. Mais elle peut être atypique cliniquement chez les adolescents et les adultes, d’où une confirmation biologique nécessaire.
Le diagnostic biologique est bactériologique (direct), génomique (PCR) ou sérologique (indirect) mais la valeur diagnostique varie selon les données (%) de RENACOQ.

Méthode 1996 1997 1998 1999
Culture 34 36 33 34
PCR 90 86 79 88
Sérologie 59 55 69 51

* Diagnostic bactériologique:

. Prélever à l'aide d'un écouvillon en dacron et cultiver rapidement à partir d'aspirations nasopharyngées ou d'expectorations dans le cas d'un adulte.

Le prélèvement doit être effectué, si possible, dans les 3 premières semaines du début de la maladie et avant traitement antibiotique.Après accord du biologiste, il doit être adressé immédiatement au laboratoire.


. L'isolement de la bactérie est peu fréquent en pratique, en raison de la nécessité de préparer extemporanément une gélose à base de pomme de terre au sang fibriné de mouton qui sera incubée au moins 7 jours à 37°C et en atmosphère humide. La culture reste le diagnostic de référence mais peu sensible. L' intérêt d'isoler des souches est de pouvoir suivre l'évolution des facteurs de virulence tels toxine de pertussis, adényl cyclase-hémolysine, adhésines telles hémagglutinine filamenteuse, fimbriae, ou encore pertactine.
Il s'agit de petits coccobacilles à Gram-négatif, à coloration bi-polaire, souvent en diplocoques.


Aérobie stricte, cette bactérie est catalase +, oxydase + et sans activité glucidolytique. L'aspect des colonies est caractéristique, en gouttelette de mercure et hémolytique (phase I).

Le diagnostic sera confirmé par le CNR: http://www.pasteur.fr/sante/clre/cadrecnr/bordet/bordet-actualites.html

* Diagnostic génomique (PCR): cette approche diagnostique obtenue directement sur produit pathologique est la meilleure comme en témoignent les résultats sur plusieurs années, les fréquences de positivité variant de 79 à 90%. Cependant, plusieurs techniques de PCR sont actuellement utilisées en France sans que toutes aient fait l’objet d’une validation de leur performance. Celle dont les amorces permet d'amplifier le promoteur des gènes codant pour PT est la seule qui ait fait l'objet d'une validation.

* Diagnostic sérologique par détection de divers anticorps. En particulier, la séroconversion observée après un deuxième prélèvement (1 mois après) se définit par une ascension ou une baisse d'anticorps anti-PTX, en l'absence de toute vaccination récente. Les anticorps recherchés sont de diverses spécificités:
* Agglutinines, c'est-à-dire anticorps agglutinant les bactéries, dans le sérum des patients.
* Anticorps anti-toxines et anti-adhésines dans le sérum des patients par immunoempreinte ou ELISA. Ces diagnostics sont réservés à des laboratoires spécialisés comme Pasteur-Cerba.

Statégie de diagnostic selon âge et état immun

Non vacciné Vacciné Alternative
Nourrisson Culture dans les 2 premères semaines de toux PCR dans les 3-4 premières semaines de toux Sérologie pré-partum et précoce (mère)
Enfants-Adultes Culture dans les 2 premères semaines de toux PCR dans les 3-4 premières semaines de toux Sérologie (2 à 30 j d'intervalle) à partir de 3 semaines de toux et en absence de toute vaccination dans les 18 à 24 mois précédant la toux.

7 - Sensibilité aux antibiotiques - Traitement

Si l'antibiogramme n'est pas nécessaire, le traitement antibiotique à base d'érythromycine a sa place dans les 3 premières semaines d'évolution, donné par voie orale à la dose de 50 mg/kg/j en 3 à 4 prises pendant 14 jours. Lors d'allergie, le cotrimoxazole peut être utilisé mais son efficacité n'a pas été clairement établie. Le traitement antibiotique permet de réduire rapidement la contagiosité permettant le retour en collectivité après 5 jours de traitement. Après le début des quintes, l'effet du traitement sur l'évolution de la toux reste aléatoire. Enfin, la prise en charge hospitalière des nourrissons (< 6 mois) est justifiée pendant la phase aiguë.
Les immunoglobulines polyvalentes n'ont pas démontré leur efficacité aussi bien pour la prophylaxie que le traitement, contrairement à l'érythromycine.

CONDUITE A TENIR DEVANT DES CAS GROUPES DE COQUELUCHE
http://www.invs.sante.fr/publications/guides/renacoq/index.html


8 - Vaccination

Le rôle de la vaccination a été essentiel pour diminuer l'incidence de la coqueluche. L’introduction du vaccin à germes entiers tués en 1959 et surtout sa diffusion en 1966 a ainsi entraîné une chute spectaculaire du nombre des cas en France. Cependant, la durée de protection est limitée à quelques années, d'où les rappels vaccinaux. Le vaccin se présente sous forme isolée (Vaxicoq®) ou combinée à d'autres (DTCOQ®, DTCP®, Tétracoq® ou pentavalent incluant le vaccin contre Haemophilus influenzae : Pentacoq® ou Pent-HIBest®).


http://www.healthsentinel.com/Vaccines/

Exemple de calendrier vaccinal

http://www.invs.sante.fr/beh/2004/28_29/index.htm

- Suite à la ré-émergence de cas chez l'adolescent (cf figure ci-dessous), un rappel avec un vaccin "acellulaire" constitué de protéines purifiées a été proposé dès l’âge de 11 ans dans le calendrier vaccinal français en 1998. En 2004 ces nouvelles recommandations préconisent une vaccination des adultes en contacts professionnels avec des nourrissons trop jeunes pour se faire vacciner et des adultes susceptibles de devenir parents.

Ce cours a été préparé avec la collaboration de Madame Guiso Nicole, responsable du Centre National de Référence des Bordetelles (Institut Pasteur de Paris)(23.09.04):

Pour en savoir plus :

http://www.pasteur.fr/sante/clre/cadrecnr/bordet/bordet-actualites.html
http://www.whoopingcough.net/
http://www.med.sc.edu:85/ghaffar/bord-hemo.htm
http://www.docteurinfo.com/coqueluche.html
http://www.invs.sante.fr/publications/guides/renacoq/index.html
http://www.bact.wisc.edu/Bact330/lecturebpertussis





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