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Cours de Bactériologie Générale

Relations Hôte-Pathogène



1. L'infection est une maladie provoquée par des agents pathogènes vivants. On distingue deux types de bactéries responsables d'infections:

1.1 - Les bactéries pathogènes

- Les
bactéries pathogènes sont des bactéries responsables d'une maladie même chez le sujet " sain " (ex typhoïde, choléra, tuberculose, méningite...).

- Le
pouvoir pathogène conditionne le type de maladie et va dépendre de l'espèce bactérienne responsable de l'infection. Par exemple, le choléra dont l'agent est Vibrio cholerae est une maladie complètement différente de la méningite à méningocoque. Cette notion de pouvoir pathogène est à distinguer de celle de virulence.

- Ces bactéries pathogènes peuvent (pneumocoque, Haemophilus, méningocoque..) ou non (Mycobacterium tuberculosis, Salmonella, Shigella, Vibrio cholerae..) appartenir à la flore humaine commensale. Pour certaines bactéries, comme le méningocoque (agent de la méningite cérébrospinale), le portage sain dans le nasopharynx est la situation de loin la plus fréquente, la maladie est l'exception puisqu'elle ne touche qu'un porteur sain sur 10 000. Ce point souligne que pour ces bactéries qui en réalité appartiennent à la flore commensale de l'homme bien que "pathogènes", il existe une susceptibilité individuelle qui peut être l'âge (plus fréquentes chez les jeunes enfants) ou propre à certains individus, de nature encore indéterminée.

 - La
virulence est une notion quantitative alors que le pouvoir pathogène est une notion qualitative.

 Ainsi pour un même pouvoir pathogène, il peut y avoir des souches plus ou moins virulentes. Exemple : Shigella dysenteriae et Shigella flexneri sont toutes les deux responsables d'une dysenterie bacillaire, mais pas avec les mêmes doses. Quelques bactéries suffisent pour développer une infection avec S.dysenteriae alors que plusieurs milliers sont nécessaires avec S. flexneri. Cette espèce est donc considérée comme moins virulente que S.dysenteriae.


1.2 - Les bactéries opportunistes

 - Les bactéries opportunistes ne donnent habituellement pas de maladie chez les sujets sains. En revanche, elles peuvent devenir
pathogènes chez les sujets aux défenses immunitaires altérées.

- Ces bactéries sont souvent des bactéries
commensales qui vivent à la surface de la peau et des muqueuses de l'homme


Chez le sujet normal, elles ne donnent pas d'infections, mais à la faveur d'une immunodépression ou d 'une antibiothérapie, elles vont être contre-sélectionnées et proliférer leur donnant ainsi un avantage sélectif.

 

-
Le type de maladie (et donc le pouvoir pathogène) dont ces bactéries sont responsables est, en général, monomorphe : colonisation de la porte d'entrée avec développement d'une inflammation non spécifique à ce niveau (pneumonie, infection urinaire, infection sur cathéter,.. ), éventuellement suivie d'unegénéralisation, septicémie avec des localisations secondaires possibles (endocardite, abcès profond, ostéites, méningites...)


2. Facteurs de défense contre les bactéries

2. 1 Facteurs non spécifiques

2.1.1 Les barrières

A/ Les barrières qui s'opposent à l'implantation des bactéries correspondent :

- aux flores saprophytes/commensales: la composition de cette flore varie en fonction de l'âge, de l'alimentation, de l'administration d'antibiotiques...

- aux substances microbicides des revêtements cutanéo-muqueux: défensines, NaCl, acides gras, HCl, sels biliaires, mucus...

- aux facteurs mécaniques : desquamation, péristaltisme intestinal, cellules ciliées.

B/Les barrières qui s'opposent à la croissance bactérienne :

 - La disponibilité en nutriment pourrait être le facteur limitant.

 - Le seul réel nutriment qui fait défaut in vivo est le Fe3+ . Sa concentration dans les tissus biologiques est de 10-18 M et ceci en raison de sa liaison à la transferrine et la lactoferrine dans le secteur extra-cellulaire.

  - Cette faible concentration en Fe3+ impose à tous les pathogènes de posséder des systèmes de captation du Fe3+ afin de se procurer ce nutriment nécessaire à leur métabolisme.


2.2 Immunité innée

L'immunité innée permet l'élimination du microorganisme lorsqu'il se trouve dans un tissu habituellement stérile. Il est nécessaire d'envisager

2.2.1. Les acteurs de l'immunité innée

  • Le complément (voir cours correspondant)

    Les conséquences de l'activation du complément sont la bactériolyse, l'opsonisation et le chimiotactisme (C3a, C5a)

. Les cellules phagocytaires: 2 types de cellules phagocytaires :

  • les polynucléaires
  • les macrophages
    (voir cours immunologie correspondant à la phagocytose)

Le but de l'immunité innée est de recruter ces éléments au siège de l'effraction bactérienne, et ceci afin d'éliminer l'agent pathogène. Une réaction inflammatoire va alors se mettre en place. Elle associe diapédèse - margination des leucocytes et extravasation des protéines plasmatiques (complément et anticorps).


2.2.2. Les composants bactériens qui activent l'immunité innée

- lipide A du lipopolysaccharide des bactéries à Gram-négatif

- peptidoglycane

- acide lipotéichoïque des bactéries à Gram-positif

- lipoarabinamananne des mycobactéries

- mannanes des levures
(cf anatomie bactérienne)

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2.2.3. Les voies d'activation

- IL-1

produit par les macrophages et les cellules endothéliales

rôle dans la fièvre, stimule la production de prostaglandine,

rôle dans la margination et la diapédèse leucocytaire

- IL-6

produit par les macrophages, production induite par l'IL-1

- IL-8

produit par les macrophages et les cellules endothéliales

rôle capital dans la margination leucocytaire.


L'ensemble de ces cytokines a un effet bénéfique en permettant le développement d'une réaction inflammatoire qui participe à l'élimination de l'agent bactérien.

Si
exagération de cette immunité innée, il y a sepsis (choc septique).


3 - Facteurs de virulence des bactéries pathogènes

3.1. En dehors des intoxinations, la première étape du pouvoir pathogène est la colonisation de l'hôte au niveau de la porte d'entrée.

En pratique, celà se traduit par :

  • une adhésion aux cellules épithéliales des muqueuses à l'aide de pili ou d'adhésines non fimbrillaires. L'adhésine des pili est située au sein de fimbriae. Cette adhésine est la molécule qui va interagir avec un récepteur sur les cellules de l'hôte. Dans le cas des adhésines non fimbrillaires, la protéine est située sur la membrane externe des bactéries. Dans certains cas (Escherichia coli entéropathogène), ce récepteur est sécrété par la bactérie à l'intérieur du cytoplasme des cellules de l'hôte.


  • une adhésion à du matériel étranger (cathéter, prothèse..).

3. 2. Une fois la porte d'entrée colonisée, plusieurs types de pouvoir pathogène peuvent s'exprimer:

3.2.1. Le pouvoir pathogène est due à la diffusion d'une toxine à distance de la porte d'entrée

Dans ce cas, la bactérie adhère, colonise et se multiplie au niveau de la muqueuse de la porte d'entrée et peut éventuellement provoquer une inflammation à ce niveau. Mais l'essentiel du pouvoir pathogène est du à la production d'une toxine dont les effets peuvent s'exercer à distance de la porte d'entrée:

  • Vibrio cholerae (choléra). Dans ce cas, il y a colonisation de l'intestin et production de la toxine cholérique qui va être responsable de la perte hydro-électrolytique (cf Bactériologie médicale - Vibrio)

  • Escherichia coli entérotoxinogène (diarrhée des voyageurs), même mécanisme que pour le choléra (cf Vibrio)

  • Bordetella pertussis (coqueluche). La muqueuse colonisée est l'arbre trachéo-bronchique. La production de la toxine va être responsable de la toux et des signes généraux et éventuellement cardio-vasculaires

  • Staphylococcus aureus producteur de TSST (syndrome de choc toxique). Le staphylocoque colonise une muqueuse (vaginale par exemple) et la production de toxine qui diffusera sera responsable du choc.

  • Corynebacterium diphtheriae (agent de la diphtérie). Le pathogène est responsable d'une angine, secondaire à la multiplication bactérienne, mais seules les souches produisant la toxine diphtérique pourront donner le croup et les signes généraux (cf Physiopathologie de la diphtérie ou Corynebacterium).

3.2.1.1. Les toxines bactériennes

Les bactéries pathogènes produisent de nombreuses substances qui sont toxiques pour leur hôte. Lorsqu'il s'agit de protéines et qu'elles agissent à faibles concentrations, il s'agit de toxines. Dans certains cas (tétanos et botulisme par exemple), seule la toxine est pathogène et la multiplication du microorganisme ne participe en rien aux symptomes observés.

On distingue plusieurs types de toxines :

A. Les toxines A-B

Ce type de toxines a deux composants, la sous-unité B qui est responsable de l'interaction avec les cellules de l'hôte et la sous-unité A qui contient l'activité enzymatique (toxique). Cette activité varie d'une toxine à l'autre et peut être une activité ADP ribosylante (toxine cholérique, toxine pertussique et toxine diphtérique) ou une activité protéolytique (toxine tétanique ou toxine botulinique). La sous-unité B varie d'une toxine à l'autre et est responsable des spécificités tissulaires. Quant à la sous-unité A, elle est conservée spécialement dans les régions responsables de l'activité enzymatique.


B. Les toxines formant des pores

Une famille de toxines est responsable de la formation de pores conduisant à la lyse cellulaire. A titre d'exemple, il s'agit de l'hémolysine d'Escherichia coli, de la listériolysine (hémolysine) de Listeria monocytogenes

C. Les enzymes hydrolytiques

Beaucoup de bactéries pathogènes produisent des protéases, DNAses, collagénases qui vont participer à la formation des lésions au siège de la multiplication bactérienne.

Exemple: Infection à staphylocoque doré (S.aureus)

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3.2.2. Le pouvoir pathogène résulte d 'une inflammation au niveau de la porte d 'entrée secondaire à la multiplication bactérienne.
  • Shigella responsable d'une dysenterie

  • Neisseria gonorrhoeae responsable de la blennorhagie (cf Neisseria)

  • Salmonella typhimurium (diarrhée)

  • Abcès cutanés / furoncles dus à une multiplication localisée de Staphylococcus aureus

  • Angines, sinusites, otites, bronchites le plus souvent dues à des bactéries de la flore commensale du nasopharynx qui deviennent pathogènes (streptocoques, pneumocoques, Haemophilus, anaérobies..).

  • Infections urinaires, basses le plus souvent, ou encore atteinte du rein dues à Escherichia coli

Les bactéries en cause sont, en général, des pathogènes à multiplication extra-cellulaire dont la diffusion à distance de la porte d'entrée peut être une complication à redouter (surtout vrai pour les infections urinaires et les abcès sous-cutanés). Pour certains de ces pathogènes qui doivent franchir une muqueuse pour atteindre le secteur extra-cellulaire (Shigella, Salmonella, et Neisseria gonorrhoeae), cet envahissement nécessite une étape de multiplication à l'intérieur des cellules épithéliales. 



Autre exemple : Shigella


3.2.3. Le pouvoir pathogène résulte d'une dissémination du microorganisme à partir de la porte d'entrée:

On distingue deux types de pathogènes selon que la multiplication bactérienne ait lieu à l'intérieur ou à l'extérieur d 'un compartiment cellulaire

A/ Les bactéries à multiplication intra-cellulaire

Le plus souvent le compartiment dans lequel la multiplication prend place sont les
macrophages

  • Mycobacterium tuberculosis (tuberculose)

  • Salmonella typhi (typhoïde)

  • Listeria monocytogenes (listériose)

  • Brucella (brucellose)

  • Legionella (Maladie des légionnaires)

  • Coxiella burnetti (Fièvre Q)

Pour certaines bactéries, le type cellulaire dans lequel la multiplication a lieu sont les cellules endothéliales

  • Rickettsia (fièvre boutonneuse)

Pour les bactéries à multiplication intra-cellulaires, le plus important est d'éviter d'être dégradées par les macrophages:

  • soit elles inhibent la fusion phagolysosomale et se répliquent dans la vacuole (Salmonella),

  • soit elles sortent de la vacuole de phagocytose et se répliquent dans le cytosol,(Listeria, Rickettsia)

  • soit elles ne sont pas dégradées dans le phagolysosome.

B/Les bactéries à multiplication extra-cellulaire

Il s 'agit du pouvoir pathogène le plus fréquent. Les bactéries se multiplient dans le secteur extra-cellulaire et sont équipées pour résister à l'activité bactéricide du complément et à la phagocytose par les polynucléaires

  • Septicémies (Escherichia coli, Staphylococcus aureus…)

  • Pneumonies (Streptococcus pneumoniae, Klebsiella pneumoniae...)

  • Pyélonéphrites (Escherichia coli, Proteus mirabilis..)

  • Méningites (Neisseria meningitidis, Streptococcus pneumoniae)

  • Endocardites (Streptococcus, Enterococcus...)


Ces bactéries à multiplication extra-cellulaires ont un tronc commun de facteurs de virulence qui sont :

  • la capsule polysaccharidique qui est essentielle dans la résistance à la bactéricidie sérique et/ou la phagocytose

  • la chaine latérale du lipopolysaccharide ou la sialyaltion du core

  • les systèmes de captation du fer afin de se procurer le fer ferrique

  • la production, inconstante, de certaines toxines

Ce cours a été préparé par les Professeurs X. Nassif (Faculté de Médecine Necker-Enfants-Malades, Paris V) et A. Philippon (Faculté de Médecine Cochin-Port-Royal, Paris V).

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Pour en savoir plus :



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