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Cours de Bactériologie Médicale

TREPONEMA

- Introduction

Au sein du complexe T. pallidum, trois sous-espèces sont individualisées par hybridations des ADNs :
1/ Treponema pallidum subspecies pallidum ou "tréponème pâle", agent de la syphilis vénérienne,
2/ Treponema pallidum subspecies pertenue est l'agent du "pian" de distribution tropicale et subtropicale.
3/Treponema pallidum subspecies endemicum est l'agent de la syphilis endémique non vénérienne ou "bejel",
limitée aux régions désertiques. Ces trois sous-espèces diffèrent par leur pathogénicité chez l'homme et chez
l 'animal d'expérience.
4/Enfin Treponema carateum est l'agent de la "pinta" ou "caraté" observée épisodiquement en Amérique Centrale et du Sud, et ne constituant pas un problème de santé publique.

Treponema pallidum est donc l'agent de la syphilis, maladie de répartition mondiale connue depuis l'antiquité. C'est une affection strictement humaine à transmission vénérienne (MST), évoluant alors en trois phases, et transplacentaire. La sensibilité de la bactérie à divers antibiotiques, pris éventuellement pour tout autre chose, et notamment à la pénicilline G, explique la diminution considérable de son incidence, la bénignité des formes précoces et l’extrême rareté des formes graves tardives.

Il convient d’apporter plusieurs réserves :
- la persistance de la syphilis primo-secondaire (notamment dans les populations défavorisées) laisse toujours planer un risque de syphilis congénitale ;
- l’agressivité et la moins bonne réponse au traitement de la syphilis contractée par un sujet séropositif pour le VIH ;
- la réapparition, depuis 2000, des cas de syphilis, notamment chez les sujets infectés par le VIH.

http://www.sante.gouv.fr/htm/

- Historique

Un débat sur l’origine de la syphilis oppose depuis le XVIIème siècle deux théories. La première retient l’introduction de la maladie en Europe par l’équipage de Christophe Colomb avec une diffusion rapide de la maladie par les troupes engagées dans les guerres européennes (Mal de Naples ou Mal Français). La seconde soutient l’existence bien plus ancienne de la syphilis sur des arguments archéologiques s’appuyant sur la découverte d’ossements humains (Angleterre, Italie, France) présentant des lésions osseuses très évocatrices de syphilis.

L’agent responsable est découvert en 1905 par Schaudinn & Hofmann dans des sérosités de lésions secondaires. Ce spirochète reste incultivable in vitro aujourd'hui et est entretenu sur testicules de lapin (souche Nichols isolée en 1912 d'un LCR).

- Epidémiologie – Mode de contamination

La première moitié du XXème siècle a été marquée en Occident par deux pandémies, celle de la syphilis et celle de la tuberculose. Aujourd’hui, la syphilis est devenue rare en pays développé, car les grandes campagnes contre le SIDA ont, à partir de 1985, promu le préservatif comme moyen de prévention contre le VIH et, par la même occasion, contre l’agent de la syphilis.

Ainsi, contractée aujourd’hui la syphilis, témoigne d’une sexualité à risque: partenaires sexuels multiples, usage de drogues dures, prostitution " sauvage ". Par contre en zone tropicale, elle reste de transmission élevée.

Transmission sexuelle: La transmission sexuelle est la plus fréquente. Elle suppose le contact intime de deux muqueuses dont l’une est infectée. Les pratiques sexuelles expliquent qu’un chancre puisse être localisé ailleurs que sur les organes génitaux, par exemple dans la sphère bucco-orale ou dans la région anale.
La syphilis est très contagieuse pour le partenaire à certains stades de son évolution naturelle, principalement via les lésions muqueuses : au stade primaire de chancre et au stade secondaire des syphilides muqueuses érosives.

Transmission materno-foetale
Durant la grossesse par passage transplacentaire du tréponème à partir du 4-5ème mois. Dépistage systématique par sérodiagnostic et traitement de toute syphilis active durant le premier trimestre de la grossesse. Contamination possible du nourrisson lors de l’accouchement à partir d’un chancre génital maternel.

Contaminations accidentelle: professionnelle, seule envisageable (vitalité des tréponèmes très faible en dehors de l'organisme) si examen médical du sujet syphilitique " à main nue ".

- Maladie humaine - Clinique :

T
ransmis presque toujours par contact direct vénérien, T. pallidum traverse activement les muqueuses saines et, très rapidement (10 min), disparaît de la surface de la muqueuse et diffuse dans le sang. La contagiosité immédiate forte (transmission directe au cours de rapports multiples) est donc très brève. Pour le "mal français" ou "napolitain", l’incubation est le plus souvent de 2 à 3 semaines, mais peut être de 10 à 60 jours (selon quantité de tréponèmes reçus).

La phase primaire est caractérisée par le chancre d’inoculation caractéristique: il s'agit d'une ulcération indolore à base indurée, siégeant au point d'inoculation (génital, anal, accessoirement buccal ou cutané) et accompagnée d'une adénopathie satellite. Non traité, le chancre guérit spontanément en 4-6 semaines.


La phase secondaire correspond à la phase de dissémination des bactéries.
Son expression clinique variée a fait dénommer la maladie "la grande simulatrice".Elle débute environ 2 mois après le contage et se caractérise par des lésions

cutanéo-muqueuses très contagieuses (roséole, syphilides, plaques muqueuses, condylomes, alopécie, atteinte des ongles ..) qui peuvent s'accompagner de micro-polyadénopathies et d'un syndrome infectieux. Ces signes disparaissent spontanément en 1-2 ans.

http://www.atlas-dermato.org

Survient alors une phase silencieuse, dite syphilis latente (pendant laquelle la syphilis est cliniquement asymptomatique et non contagieuse), suivie après 2 à 10 ans et dans 20 à 30% des cas d’une phase tertiaire, caractérisée par des atteintes viscérales, cardio-vasculaires (aortite, anévrysme de l'aorte) ou neurologiques (tabès, paralysie générale), associées à des lésions osseuses ou cutanéo-muqueuses (gommes).

Le passage transplacentaire de T. pallidum entraîne une atteinte systémique du foetus, responsable de mort foetale, ou des manifestations cliniques de la syphilis congénitale. Elle associe des manifestations cutanéo-muqueuses (lésions bulleuses palmo-plantaires, éruption papuleuse du tronc, coryza purulent, érosions buccales) et des manifestations viscérales avec une hépato-splénomégalie, de la fièvre, des lésions osseuses à type d'ostéite, des arthrites (hanche), des néphrites.

Atteinte métaphysaire, périostite et nécrose palmo-plantaire chez une enfant de 4 mois d'origine africaine (Clichés Pr. D. Gendrel, hôpital Saint Vincent de Paul )



- Enfin la syphilis chez les sujets affectés par le VIH, montre des chancres multiples et extensifs, avec une évolution plus rapide vers la neuro-syphilis (possibilité d'encéphalite ou d'artérite cérébrale, uvéites)

- Diagnostic biologique

Caractéristiques bactériologiques

Morphologie : germe long (20 à 30 microns), se présentant comme une spirale serrée et régulière (aspect de ressort de stylo à bille), très fin (observation au microscope à fond noir ou par coloration argentique) "prenant" mal le Gram (d'où le nom de T. pallidum ou "pâle"). Il s'agit d'une structure de paroi de type Gram négatif.

Non cultivable (survie de quelques heures dans le milieu de Nelson) mais multiplication dans le testicule de lapin. Micro-aérobie.

Antigènes :
- antigène cardio-lipidique. Très largement distribué : T. pallidum, autres tréponèmes pathogènes, tréponèmes saprophytes et de nombreux tissus animaux (dont le coeur, d'où son nom...)
- antigène de groupe, protéique, commun aux tréponèmes
- antigènes protéiques spécifiques de T. pallidum.
- antigène d'enveloppe spécifique de T. pallidum et des autres tréponèmes "non cultivables", responsables de "syphilis non vénériennes" ou "cutanées "
Potentiel immunogène médiocre. Pas d’induction d’une réponse protectrice, mais une simple immunité de surinfection pendant la maladie (ce qui n'a pas d'intérêt pratique). Existence d’une immunité de surinfection entre le pian et la syphilis.

Méthodes du Diagnostic Biologique

Il sera évoqué en présence de certains signes cliniques et dans un contexte épisémiologique particulier. Il repose en routine sur les méthodes sérologiques. Les méthodes directes restent l'apanage de structures spécialisées. L’approche moléculaire relève encore de la recherche appliquée


A - Diagnostic Direct.
Mise en évidence du micro-organisme ou de ses constituants (protéines ou acides nucléiques).

Indications :
Ulcération ou érosion génitale, anale ou buccale chez un sujet en période d'activité sexuelle avant tout traitement antibiotique. Lésions secondaires (plaques muqueuses, syphilides cutanées) ; LCR (forme neurologique) ; pour les formes congénitales : liquide amniotique, bulles de pemphigus, mucus nasal, LCR.

Méthodes d'observation:
. Microscope à fond noir: recherche de bactéries spiralées à la mobilité caractéristique. Difficile de bien distinguer T. pallidum des tréponèmes saprophytes (T.denticola, T. refringens) risque de faux positif pour localisations buccales et anales.
Sensibilité variable: jusqu’à 80 % (observateur, prélèvement pauvre en tréponèmes). Très pratiquée dans les centres spécialisés, car rapide, de bonne fiabilité et peu coûteuse.

. Immunofluorescence: Méthode sensible qui distingue T. pallidum des tréponèmes saprophytes.


Test d'infectivité du lapin: Méthode directe la plus sensible (près de 100 % chez un patient n'ayant pas reçu d'antibiotique). Non praticable en routine ; intérêt pour évaluation des approches moléculaires du diagnostic.

PCR : en cours d’évaluation (gènes codant pour des protéines de membrane). Intérêt pour les formes congénitales, neurologiques et les ré-infections


B - Diagnostic Indirect : Sérologique
Il s'agit de la mise en évidence des anticorps induits par l'infection dans le sérum ou LCR.
En raison de l'existence d’une phase sérologiquement muette en début d'infection, deux examens sont demandés à 15 jours d’intervalle. Mais il n'y a pas de différenciation entre les anticorps dues aux tréponématoses non vénériennes (pian, bejel, pinta) et ceux dus à la syphilis.

Deux grands groupes de réactions sérologiques sont pratiquées selon l'antigène utilisé
- Réactions à antigène non tréponémique (antigène cardiolipidique)
- Réactions à antigène tréponémique.

A. Réactions à antigène non tréponémique : VDRL (Veneral Disease Reagent Laboratory).
Principe: agglutination passive avec un antigène cardiolipidique d’origine animale et commun avec T. pallidum. Les résultats sont rendus en croix (de 1 à 4) en fonction de l'intensité de la réaction. Titrage effectué par dilutions du sérum de raison 2.

Cinétique des anticorps: Le VDRL se positive après FTA et TPHA. C'est la première technique à se négativer après traitement: bon marqueur de suivi de l’efficacité thérapeutique.
Faux positifs : Grossesse , mononucléose Infectieuse, collagénoses.


B. Réactions à antigène tréponémique (TPHA, FTA, NELSON, ELISA)
1- TPHA (Treponema Pallidum Haemagglutination Assay)
Principe: hémagglutination passive d’hématies sensibilisées avec un antigène extrait de T.pallidum. Résultat obtenu en 1-3 heures. Dépistage à la dilution du 1/80, puis titrage de raison 2 en cas de positivité.
Cinétique des anticorps: Le TPHA se positive vers 3-4ème semaine après le début de l’infection (environ 1 semaine après l’apparition du chancre). Reste le plus souvent positif chez un malade guéri.

2- FTA (Fluorescent Treponemal Antibody Test)
Principe : immunofluorescence de T. pallidum fixés sur lame. Anticorps détectés par antiglobuline marquée avec un fluorochrome. Dépistage au 1/200. Technique de confirmation en cas de dépistage positif. Sensibilité augmentée par adsorption des sérums par des tréponèmes saprophytes non pathogènes (souche Reiter) : FTA-Abs.
Cinétique des anticorps: Cinétique identique au TPHA avant traitement. Se négative après traitement dans la majorité des cas.

3 - Test immuno-enzymatique ou ELISA
(Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay)
Principe: antigènes purifiés de T.pallidum, ou protéines recombinantes. En évaluation par rapport aux méthodes classiques (VDRL, TPHA, FTA)

4- Test d’immobilisation des tréponèmes (TPI) ou test de Nelson
Technique de référence, mais quasiment plus réalisé (entretien des animaux vivants infectés).
Principe: Anticorps spécifiques immobilisant (immobilisines) les tréponèmes vivants, après addition de complément et en comparaison avec un tube témoin. Résultats qualitatifs exprimés en pourcentage d’immobilisation spécifique.
Cinétique des anticorps: immobilisines décelées en moyenne un mois après l’apparition du chancre. Négativation chez la plupart des malades après traitement.

5 - Recherche d’IgM spécifiques anti-tréponémiques (FTA Abs IgM)
Généralités : Les IgMs apparaissent dès la deuxième semaine de l'infection. Chez les patients non traités, elles sont retrouvées en phase secondaire. Chez les patients traités correctement, elles diminuent rapidement et disparaissent généralement dans les premiers mois qui suivent le traitement.
Indication majeure: syphilis congénitale ; recherche utile si contage récent, réinfection et syphilis neurologique. IgMs sont recherchées par la même technique que pour le FTA-Abs, mais avec un conjugué monospécifique anti-chaîne µ.


Interprétation des tests de première intention (VDRL, TPHA, FTA IgM)

VDRL
TPHA
Diagnostic probable
Explorations complémentaires
-
-
Syphilis exclue ou contamination très récente FTA et recherche d'IgM ou refaire une sérologie 10-15 jours plus tard
+
+
Forte probabilité de syphilis Situer le stade de l’infection par une sérologie quantitative et l’anamnèse. FTA-IgM et FTA, se positivent lors de l’apparition du chancre. En cas de doute recherche d’IgM spécifiques :
-> si IgM +, syphilis primaire ou secondaire
-> si IgM -, syphilis latente
-
+
Syphilis récente traitée ou ancienne (traitée ou non traitée)
Sérologie quantitative, anamnèse et éventuellement les autres réactions sérologiques indiqueront s’il faut ou non traiter le malade
+
-
Confirmer le TPHA négatif par FTA
Si cette réaction est négative, il s’agit d’un faux positif en VDRL

Evolution des anticorps selon le moment du traitement


- Sensibilité aux antibiotiques

Cette bactérie est sensible à de nombreux antibiotiques dont au sein des ß-lactamines, la pénicilline G, ou encore aux tétracyclines, aux macrolides. il y a résistance aux aminoglycosides.

- Traitement et prophylaxie

- Syphilis précoce: primaire, secondaire et latente précoce (moins de 2 ans): 2.4 millions d’unités I.M. de benzathine pénicilline G

- Syphilis tardive: latente tardive (plus de deux ans) et tertiaire.
. Asymptomatique: 3 injections I.M. de 2.4 millions d’unités de benzathine pénicilline G à 8 jours d’intervalle
. Tertiaire: atteinte cutanée et cardio-vasculaire : pénicilline procainée 600.000 U I.M. par jour durant 15-20 jours; prévention de la réaction d’Herxheimer (atteinte cardiaque).
Neuro-syphilis: 3-4 millions d’unités de pénicilline G cristalline aqueuse toutes les 4 heures ou pénicilline procainée 2.400.000 U I.M./jour plus probénécide 500 mg x 4 fois par jour, durant 10-14 jours

- Syphilis et VIH: même traitement en fonction du stade (progression plus rapide vers la neuro-syphilis)

- Prophylaxie
Application des mesures d'hygiène individuelle: éviction de situations à risque, port du préservatif).
La prophylaxie sociale repose sur le dépistage systématique (examens sérologiques prénuptiaux, prénataux, en cas de conduite à risque, etc.), le traitement précoce des sujets porteurs de lésions contagieuses et la recherche et le traitement du sujet contaminateur.

Quelques adresses:

Treponema spp. à transmission non vénérienne


Généralités:
Treponema pallidum subsp. pertenue = "pian
Treponema pallidum subsp. endemicum = syphilis endémique non vénérienne ou "bejel".
Treponema carateum = "pinta" ou "caraté"

http://www.bioltrop.org/09-diagautre/syphilis.htm#autres

Le pian est présent en Afrique de l’ouest et centrale, le bejel dans le Sahel. Le pian existe aussi en Papouasie Nouvelle Guinée (enfants), et le bejel en Arabie Saoudite (nomades). Plus de 100.0000 d’enfants sont atteints de pian ou le bejel en Afrique et le risque de contamination y demeure élevé. C'est une maladie des enfants de 2 à 15 ans, transmise par contact direct à partir des lésions récentes contagieuses (rôle du surpeuplement, promiscuité, faiblesse de l’hygiène).

Le bejel est une maladie des pays de climat sec et aride d’Afrique, dans les communautés isolées, au mode de vie précaire, atteignant les enfants de 2 à 15 ans, mais aussi des adultes (nomades). Transmission par contact direct (lésions cutanéo-muqueuses, doigts, salive) et par l’intermédiaire de récipients pour boire. C’est une maladie " familiale ".


Diagnostic: Examen direct : Présence de tréponèmes au microscope à fond noir dans les lésions des stades primaires et secondaires
Sérodiagnostic (cf syphilis).

Traitement : Benzathine-Pénicilline (BP) ou Extencilline IM, forme retard au taux sérique stable et prolongé pendant plus de 2 semaines. Injection unique de 0,6 MUI si < 10 ans, 1,2 à 2,4 MUI chez l’ adulte selon ancienneté des lésions. Traiter malades, sujets à sérologie positive, contacts.
Tétracyclines, Erythromycine : 2 g/j x 15 jours.

Prévention : Campagnes de traitement de masse par dose unique de benzathine-pénicilline G IM.


Ce cours a été préparé par le Dr. P. PEROLAT (Ancien Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur de Paris)(25.05 2003).

Pour en savoir plus :



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